Dans le cadre d’un partage d’expérience, l’Institut de Santé et Développement de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar a tenu, ce mercredi 31 mai 2023, un webinaire sur le thème : « Paiement numérique pour le personnel de santé en Afrique : expériences de mise en œuvre des récentes campagnes de vaccination en Côte d’Ivoire, en RDC, au Sénégal et au Mali ». Un webinaire à l’issu duquel les acteurs tirent un bilan. La mise en œuvre des paiements numériques pour les travailleurs de santé lors des couvertures vaccinales présente beaucoup d’avantages mais aussi des défis.

En République Démocratique du Congo,

Selon Docteur Fabrice MAWA KAKESE, coordonnateur du projet pilote paiement digital des acteurs des campagnes de riposte contre la poliomyélite en RDC, les principaux avantages du paiement numérique sont la réduction significative des délais de paiement, l’amélioration de la redevabilité, la transparence et la fiabilité.

Avec le paiement numérique au cours de la dernière campagne en RDC, 95% des travailleurs ont été payés en moyenne 13 jours après la fin de la campagne avec plus de 45% payés le dernier jour de campagne. Et ce contrairement aux campagnes passées où plus de deux mois ou même parfois quatre mois après, il y avait moins de 50 % des travailleurs qui avaient été payés.

Le paiement des acteurs en RDC à travers l’E-cash a débuté en mai 2022 dans le cadre des campagnes de vaccination contre la poliomyélite. Ceci survient suite aux enrôlements des acteurs de la santé dans leur base de données depuis décembre 2020. Ce projet y était officiellement lancé en novembre de la même année.

Cependant, il y a plusieurs défis à relever dans le cadre du paiement numérique notamment l’optimisation de la couverture en réseau de téléphonie mobile et Internet. Toutes les aires de santé de la RDC ne sont pas couvertes par le réseau. Les points de retrait ne sont pas aussi nombreux. Ce qui fait que des personnes quittent leur localité et parcourent des kilomètres pour retirer l’équivalent de quinze dollars. Ainsi, Les frais de transport risquent de prendre même dix dollars. Et le travailleur n’aura bénéficié que de cinq dollars. Ce qui constitue un inconvénient.

La Côte d’ivoire

Pour sa part, a expérimenté ce projet de paiement numérique lors des Journées Nationales de Vaccinations (JNV) 2020-2022 et les paiements ont débuté en 2020. Quatre-vingt-dix pour cent (90 %) des travailleurs ont été payés en moyenne huit jours après la fin de la campagne.

Les performances se sont améliorées au fil des campagnes. Et pour la dernière campagne de 2022, les paiements se sont fait à 80% dès le lendemain de la campagne parce qu’ils avaient commencé à maitriser le processus, selon Serge Gabriel OBOU, gestionnaire financier des fonds pour la vaccination du Programme Elargi de Vaccination de la Côte d’Ivoire.

Les performances en 2022 ont été meilleures que celles des campagnes de 2020 avec 75% d’amélioration dans les délais de paiement. Le délai maximum enregistré en 2022 est de six jours en 2022 contre douze jours en 2020.

Etude d’impact auprès des bénéficiaires en Côte d’Ivoire

La particularité du projet en côte d’ivoire contrairement à la RDC c’est que le projet a eu une étude d’impact auprès des bénéficiaires. Pour les bénéficiaires payés par mobile money et « très confiants » dans le fait de pouvoir retirer leur argent sur leur compte à tout moment dans un point de vente mobile money on a 64% ; 60% pour les bénéficiaires ayant affirmé avoir une « très  bonne » ou une « bonne » expérience du paiement via mobile money durant les JNV ; 1% pour les bénéficiaires ayant affirmé avoir eu des soucis pour effectuer le retrait des paiements reçus via mobile money ; 83% pour les bénéficiaires préférant le paiement via mobile money contre espèces et 42% pour les bénéficiaires « très satisfaits » ou « satisfaits » de la rémunération reçue pour leur participation aux JNV.

Au Mali

Le paiement numérique a aussi donné des résultats satisfaisants au Mali où la circulation avec de l’argent-cash est devenue difficile dans un contexte d’insécurité, Selon Mr Soungalo DIARRA,responsable du Programme Elargi de Vaccination au niveau de la direction régionale de la santé de Koulikoro. Au niveau de cette région, sur les dix districts sanitaires trois sont dans des zones d’insécurité.Ils ont aussi enregistré des avantages par rapport à ce mode de paiement notamment avec la gestion sécurisée des fonds. L’E-cashleur a permis d’éviter une malversation des fonds. Il n’y a pas de question de faux billets comme avec le paiement cash.

Image removed.

De plus, le volume du travail a considérablement diminué surtout avec la comptabilité qui disposait de beaucoup de papiers auparavant. Les autorités n’ont plus de problèmes de pièces justificatives par rapport à l’utilisation des fonds. La rapidité dans le paiement des acteurs aussi a été de mise. Ce qui renforce davantage l’engagement des agents car si le paiement est fait à temps les acteurs sont motivés à donner plus de résultats.

A côté de ces avantages, un certain nombre d’insuffisances a été recensé, selon toujours Mr Soungalo DIARRA. Il s’agit notamment de l’échec dans certains paiements, l’absence de réseaux dans certaines localités, les erreurs de destinataires avec le paiement sur d’autres numéros qui ne sont pas acteurs de l’activité et le vol de données sécurisées comme les mots de passe pour certains téléphones aussi qui peuvent être volés.

Au Sénégal

Bien qu’il y a des avantages du paiement numérique, les bénéficiaires rencontrent des difficultés. C’est le cas de Mme GamouKEITA, Cheffe magasinier du Projet AID édition 2022 au Sénégal. Elle affirme :

« On a eu à participer à la campagne d’Aspersion Intra-Domiciliaire (AID). Nous avons bénéficié des deux différents types de paiement. On nous payait en espèces pour la première année. Pour la deuxième année, on nous a payé par Orange Money. Mais nous avons toujours eu des problèmes avec ces deux modes de paiement. Pour la première, on faisait la queue, on passait presque des jours là-bas. Et, il y avait aussi des acteurs qui bénéficiaient tardivement de leur argent. Pour le deuxième, le souci était lié au fait que certains agents recevaient au moment où d’autres ne recevaient pas la totalité ou même une partie de leur argent. »

En somme, selon Pr Adama FAYE, directeur du Hub francophone du projet DHPI-R, le paiement numérique est vraiment devenu une réalité dans la sous-région. Il vient à son heure au Mali où il y a des problèmes de sécurité et est devenu une pratique courante en Côte d’Ivoire. « Et je pense que tous les pays vont aller dans ce sens. » Conclut-il.

FATMA NIANG